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40 ‖ DECEMBRE 2024

Cheikh El Hadji Abdoulaye NIANG

La Fayda Tidjaniyya Ibrahimiyya : un mouvement religieux au coeur de la capitale sénégalaise

Article

Résumé

Cet article étudie le nouvel essor de la Fayda Tijaniyya à Dakar. Après avoir jeté une lumière sur la généalogie de l’implantation de ce mouvement religieux dans la capitale sénégalaise, l’article met en perspective la nouvelle sociologie religieuse qui en découle, avant d’en discuter les enjeux et les paradoxes. La démarche socio-anthropologique privilégiée dans cette étude, permet à l’auteur de saisir sur le vif, les multiples « arts de faire » des acteurs de ce mouvement religieux, dans une cité dakaroise en pleine mutation.

Texte intégral

pp.102-126

01/12/2024

Introduction

1Né en 1929 dans le village de Kossy1, suite à une autoproclamation de Cheikh Ibrahim dit Baye2 fils d’Abdoulaye Niasse3, le mouvement de la « Fayda Tijaniyya Ibrahimiyya4 » qui est une branche sénégalaise de la Tijaniyya, amorça sa phase d’expansion internationale au début des années 1940, après s’être diffusé dans différentes régions du Sénégal. La notion de Fayda signifie, soit « effluve spirituelle », soit « inondation de la Grâce Divine » (Brigaglia, 2000) ou débordement, soit abondance ou émanation (Seesemann, 2011). Même si cette notion n’est pas une innovation spécifique à la confrérie Tidjaniyya5, il est admis que le fondateur de cette voie, fit, en son temps, une prédiction6 qui intégra l’avènement de la Fayda dans le système de croyances et d’attentes des partisans de la Tidjaniyya.

2Des anthropologues du religieux ont déjà montré la relation d’influence mutuelle qui peut prévaloir entre la ville et le religieux en indiquant que si l’on peut s’accorder à l’idée que « la religion fait quelque chose à la ville », l’inverse n’est pas moins vrai. C’est dans cette perspective que Germain et Dejean énoncent : « la ville n’est pas une simple scène ; elle possède des caractéristiques qui lui sont propres et qui ont des effets sur les manières dont les groupes religieux l’investissent » (Germain, Dejean, 2022, p 16). Les grandes métropoles sont aussi bien des terres d’élection pour les cultures et les religions, que des cadres d’interprétation et de ré-imagination pour elles. Car, en plus d’y trouver de nouvelles ressources, les religions se servent de la réalité urbaine, pour alimenter leurs visions du monde. C’est ainsi que le thème de la ville apparaît de différentes façons dans les systèmes d’explication des religions où, « tantôt elle est perçue comme un lieu positif (ville sainte, destination de pèlerinage, cité céleste sur terre), tantôt comme un lieu négatif, autrement dit l’incarnation du pouvoir démesuré de l’homme, de l’oubli des dieux. (Willaime, 2022, p 8).

3À l’image d’autres grandes métropoles du monde, Dakar n’a de cesse d’attirer les mouvements religieux en tous genres. De la même façon qu’il prévaut qu’elle vit au rythme d’une animation politique, économique, culturelle, sportive, Dakar est également le théâtre d’une vie religieuse liée à l’implantation de confessions et de mouvances religieuses qui, toutes aspirent à augmenter leur visibilité. En effet, la notion de « place » (Dejean, Germain (dir.), 2022) est au cœur des agissements des différentes mouvances religieuses, à Dakar. L’exemple de Dakar illustre à suffisance l’idée que « les grandes villes constituent de véritables laboratoires de reconfiguration du religieux dans l’ultramodernité contemporaine ». (Willaime, 2022, p 9).

4Notre hypothèse principale est que le contact avec la capitale aurait un effet majeur sur la culture religieuse de la Fayda. De même, le contact avec la capitale aurait occasionné des transformations morphologiques et sociologiques sur la vie quotidienne des partisans de ce mouvement.

5Après avoir présenté brièvement notre méthodologie, nous aborderons tour à tour le processus d’expansion de la Fayda à Dakar, la réinvention de sa culture religieuse dans cette métropole et les transformations morphologiques et sociologiques. Dans la conclusion, nous discuterons des résultats à partir des concepts d’« arts de faire » (De Certeau 1990) et de « paradoxe » (Barel 2013).

Matériels et méthodes

6Cette étude est résolument socio-anthropologique. C’est à partir de janvier 2021 que nous avons mobilisé des étudiants Talibé Baye Niasse de l’Université, pour réaliser quelques dizaines d’entretiens et de notes d’observations, avec des disciples et guides spirituels de la Fayda établis dans la capitale sénégalaise. Le matériau issu de cette enquête nous a servi de base pour questionner les enjeux de l’implantation de la Fayda dans la capitale sénégalaise, la réinvention de la culture religieuse qui en découle, les nouveaux acteurs qui apparaissent consécutivement à cette présence dans la capitale. Précisément au nombre de quarante-six (46), nos entretiens sont constitués d’entretiens individuels (35) et d’entretiens de groupe (11). À côté des entretiens, nous avons réalisé huit (8) observations sur les différents sites que représentent les lieux de résidence des muqadams7, les domiciles de responsables de dahira8 et au niveau du fief historique de la Fayda à Dakar, en l’occurrence « Keur Baye Niasse », située dans le quartier de Dieuppeul. Certains de ces entretiens ont été réalisé en face-à-face, d’autres par téléphone et par WhatsApp9. Nous avons également mis à contribution nos étudiants pour entrer en contact avec muqadams, prédicateurs et quelques chanteurs religieux, en vue de compléter notre base d’enquête. Une fois que les données empiriques ont été collectées, nous avons opéré une synthèse en regroupant par ordre thématique, les discours des personnes interrogées, et en isolant les éléments les plus redondants des observations d’observation. Ce premier travail sur le matériau nous a permis de définir des axes autour desquels nous avons pu analyser les données.

7L’approche socio-anthropologique que nous avons privilégiée, nous a permis de saisir la dimension ordinaire de la réalité religieuse (Piette, 2003), à travers ses formes les plus visibles telles que les manifestations publiques, les pratiques quotidiennes des croyants, les interactions localisées et les représentations situées.

Présentation des résultats

Le processus d’expansion de la Fayda à Dakar

8L’expansion de la Fayda à Dakar s’est faite de façon graduelle10. Neveu de Cheikh Ibrahim Niasse et connaisseur de l’histoire de la Fayda, Cheikh Sidy Arabi Niasse nous révèle que l’entrée de la Fayda à Dakar ne date pas d’aujourd’hui. Selon lui, c’est dans les années 1950 que Baye Niasse a acheté une maison à la rue Raffenel à Dakar-Plateau, puis, au début des années 1960, une deuxième maison à Dieuppeul. Il précise :

« Au début, Baye Niasse n’était pas trop intéressé par l’acquisition d’une maison à Dakar, arguant que Dakar était déjà le fief d’autres marabouts du pays. Mais des disciples tels que Lamine Diaw, El Hadji Omar Kane, Ibou Bou Niang, finirent par le convaincre de l’importance de se doter d’une résidence dans la capitale. L’achat de la maison de Raffenel se fit dans les 1950, alors que l’acquisition de la maison de Dieuppeul remonte en 1962 ou 1963. Cette maison de Dieuppeul lui a été vendue par la SICAP.11 Aucune de ces maisons ne lui a été offerte, ce sont toutes des titres fonciers (…) La maison de Dieuppeul est devenue le siège de la zawiya et lieu qui abrite le Maouloud de Dakar, évènement communément appelé Gamou Dieuppeul (…) » 12 

9Imam dans la zawiya « Keur Baye Niasse » de Dieuppeul, Cheikh Baye Lô revient en détail sur l’avancée progressive de la Fayda à Dakar.

« Entre Dakar et la Fayda Tijaniyya c’est une longue histoire. Il y a plusieurs étapes. Tout a commencé avec Baye, qui avait fait en sorte d’y obtenir deux maisons. Après la disparition de Baye, ses enfants et quelques dignitaires de Médina Baye venaient souvent séjourner Dakar, sans toutefois chercher à s’y établir. Ce n’est que plus tard, dans les années 1990 que le Khalife El Hadji Abdoulaye Niasse13obtiendra une maison dans le quartier de Sacré Cœur. Il fut un temps, lors de leurs séjours à Dakar, la plupart des dignitaires de Médina Baye étaient accueillis par des disciples résidant dans la capitale, ou bien par des Muqadams comme El Hadji Oumar Kane à l’avenue Malick Sy. Certains autres logeaient à l’hôtel ou bien ici à « Keur Baye ». Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que les choses commencèrent à véritablement à évoluer, en particulier lorsque Serigne Mamoune, fils de Baye, est venu s’installer à Dieuppeul dans la même zone que « Keur Baye Niasse ». Peu après Serigne Mamoune, l’imam Hassan Cissé acheta une maison à Front de terre, tout près de « Keur Baye ». Au début des années 2000, nombreux étaient les chefs religieux de Médina qui avaient obtenu des maisons à Dakar et qui pouvaient y séjourner régulièrement.14 »

10Suivant ces différents témoignages, avant les années 2000, les séjours des dignitaires de Médina Baye à Dakar étaient plutôt sporadiques et que les rares sont les marabouts de Kaolack qui fréquentaient la capitale avec une ambition d’y résider en permanence. Cependant, les années 1990 furent décisives car, c’est durant ces années que la Jam’iatou Ansaroudine15 s’engagea dans une dynamique d’extension. C’est justement sur cette phase que nous édifie Malaw Camara, un militaire à la retraite originaire de Kaolack et qui, pendant six ans, a présidé le bureau départemental (Dakar) de la Jam’iatou Ansaroudine. Ce dernier nous renseigne :

« Il fut des temps où on comptait les Talibés de Baye à Dakar, tellement la Fayda était en infériorité numérique et peu visible. À une époque, seuls Ablaye Niasse, sa femme Salimata Wade et Mandaw Sylla, qui vivaient à Niary Tally, essayaient de s’activer pour animer les choses. C’était vers 1958-1960. En ce temps, on ne parlait même pas encore d’Ansaroudine Dakar, à plus forte raison de grandes dahiras. Je n’ai pas été témoin de cette époque, mais nos aînés nous ont tout raconté (…) Lorsque Baye Niasse renouvela le projet « Ansaroudine », Lamine Diaw devint le premier Président de la Jam’iatou Ansaroudine pour la région de Dakar avant d’être remplacé en 1965 par Daouda Diattara de Teungeth (Rufisque). Durant les années 1980, il n’y avait que quatre dahiras : la dahira Guédiawaye-Ndiolofène, la dahira de Grand-Dakar, la dahira de Teunguedj, la dahira Guinaw Rail, auxquelles sont venus s’ajouter, plus tard, « Nahnou Ansaroul Lahi » et la dahira Ndiol Sakho De Pikine (…) Le début des années 1980 a été marqué par le tournant majeur que fut la naissance en 1981, de la dahira « Nahnou Ansâru Lâhi16 ». Née dans le quartier de Fann-Hock, avec comme fondateurs Modou Niang, Ibrahim Mahmoud Niasse, Adja Diarra Ndiaye, Astou Diop et moi-même, Nahnou Ansâru Lâhi a joué un rôle clé dans la diffusion de la Fayda à Dakar, notamment dans la naissance de nouvelles dahiras. Certaines dahiras mêmes ont été fondées par des anciens membres de Nahnou Ansâroul Lâh. À l’époque, nous profitions des visites occasionnelles des fils de Baye Niasse à Dakar, pour organiser des séries de conférences. Cette stratégie des conférences islamiques nous permettait de parler de la Fayda et du Soufisme aux habitants de Dakar. C’est dans ce cadre que nous pûmes inviter Serigne Mamoune Niasse, Cheikh Mahi Niasse (l’actuel Khalife de la Hadra), Cheikh Moukhtar Niasse, Cheikh Macky Niasse, Cheikh Hassan Cissé, Seydina Cissé, et plusieurs fois Cheikh Baba Lamine Niasse. Chaque fin du mois, nous faisions le tour des quartiers de Dakar pour aller à la rencontre de nos amis et connaissances à qui nous pouvions proposer des conférences. C’est là que tout est parti ! Les dahiras naissaient les unes après les autres. C’est difficile à entendre mais Nahnou Ansâroul Lâh est le foyer originel du renouveau de la Fayda à Dakar, avec notamment l’engagement et la détermination d’Ibrahima Mahmoud Niasse17. C’est ce dernier qui a véritablement ‘‘ouvert18’’ Dakar, parce qu’il a été le pont entre Médina Baye et la capitale. C’est également sous son impulsion qu’Ansaroudine a accéléré l’enrôlement des dahiras et la vente des cartes de membres (…) Plus tard, durant mon propre mandat en tant que Président d’Ansaroudine Dakar, il est entré en vigueur le découpage en sections départementales, avec un bureau pour chaque département. Ainsi, Dakar a été découpé quatre sections correspondant aux quatre départements que sont Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque (…) Aujourd’hui, les dahiras ont considérablement augmenté en nombre. Quand je quittais la Présidence, la région de Dakar19 comptait à peine 180 dahiras. Entre-temps, on a dépassé plus de 300 dahiras dans la région. À noter que Beaucoup de dahiras ne sont toujours pas affiliées à la Fédération. Ce qui est une erreur de leur part car, car Baye Niasse avait exigé que tous ceux qui se réclament de lui, adhèrent à Ansaroudine (…) Pour résumer, sachez qu’il fut des temps où afficher son appartenance à la Fayda relevait d’une témérité qui n’était pas donnée à tout le monde. C’était tout un défi d’afficher son identité de Talibé Baye. Aujourd’hui, les temps ont changé (…) »

11Même si l’implantation de la Fayda à Dakar est redevable à l’implication de plusieurs individus, et surtout de gens bien conscients des enjeux et opportunités de la capitale, les dignitaires de Médina Baye, surtout les descendants de Baye Niasse, ont apporté la « caution morale » qu’il fallait pour enclencher un processus de massification et de diffusion de ce mouvement religieux dans toute la région de Dakar. Par ailleurs, l’une des conséquences de la nouvelle expansion de la Fayda à Dakar, réside dans la réinvention de la culture religieuse de cette communauté sous l’effet des réalités et des ressources de la capitale. Cette réinvention se manifeste sous une pluralité de formes que nous allons apprécier à présent.

La réinvention de la culture religieuse de la Fayda à Dakar

12Par définition, la culture religieuse est un « système de savoirs et de pratiques informé par la religion et régissant le rapport au monde de ceux qui s’y identifient. Ce système restant toujours à placer dans un contexte socio-historique large » (El Boudrari, 1993, p 3). En d’autres mots, la culture religieuse est un dispositif de « pensées, de discours et de pratiques » qui oriente les représentations et les actions des partisans d’une communauté religieuse. Dans une culture religieuse, on retrouve des éléments doctrinaux, de prescriptions normatives tout autant que des actes et des consensus historiques dont la reproduction est garantie par des mécanismes institutionnels de diffusion, de transmission, d’adoption et d’adaptation. À Dakar, non seulement les partisans de Baye Niasse se réapproprient le système de savoir et d’action de la Fayda, mais en plus, ils y incorporent de nouveaux procédés et de nouvelles modalités qui contribuent à l’enrichir et à accélérer sa diffusion. Les multiples influences liées à la cohabitation avec d’autres groupes, inspirent aux partisans de la Fayda, des techniques et des usages qui, traduisent un processus de réappropriation, d’incorporation et de diffusion.

13L’ambition traditionnelle de la Fayda est de façonner positivement les individus en les formant à l’islam, à la Tidjaniyya et à la Tarbiya (éducation à la Gnose ou Connaissance divine (Hill, 2007)20. D’une manière générale, dans les milieux soufis, la transmission du savoir religieux passe principalement sur le canal filial de maître à disciple, le premier s’occupant de la progression spirituelle du second, en lui donnant les connaissances nécessaires. Non seulement les mouqadams de Dakar prétendent assumer ce rôle de maîtres spirituels, mais ils le remettent également au goût du jour à travers des formes que leur suggère le contexte dakarois. Dans cette nouvelle perspective, la formation à la religion et à la Ma’rifa ou « Connaissance divine » ne se fait plus uniquement par le canal traditionnel de l’échange maître-disciple, mais se déploie dans d’autres micro-univers et donne lieu à de nouveaux usages, tels que le recours au « cahier du disciple », l’échange interpersonnel entre condisciples, les groupes WhatsApp, entre autres.

14Dans les cahiers, les disciples consignent des éléments hétéroclites (versets du Coran, hadiths du Prophète, écrits d’érudits de la Tijaniyya, explications relatives à la Ma’rifa, extraits de poèmes de Baye Niasse). Les vers de poèmes de Baye Niasse occupent une place importante dans ces cahiers car, ils sont à la fois des éléments mobilisés dans les interactions quotidiennes entre condisciples et dans les face-à-face avec les autres interlocuteurs qui ne sont pas de la communauté religieuse. Aujourd’hui, certaines dahiras tirent leur prestige de la maîtrise dont leurs membres font preuve des poèmes de Baye Niasse. Il en est ainsi du Fityânou Sidqin où les disciples se rivalisent de connaissance des diwâns21 de Baye Niasse. La mémorisation-récitation est ainsi un procédé identitaire, en plus d’être un moyen de démontrer une passion religieuse. Alors que l’usage du « cahier du disciple » permet de fixer par écrit des éléments à mémoriser, l’adhésion aux groupes WhatsApp permet de bénéficier d’informations permettant d’enrichir sa connaissance de la religion, de la Tijaniyya et de la Fayda, grâce aux documents qui y circulent (textes, extraits, audio, vidéos) et aux discussions qui s’y tiennent. Au même titre que les groupes WhatsApp, les lives (discussions en direct) sont également des espaces de connaissance et d’interconnaissance pour les partisans de Baye Niasse. Avec ces groupes WhatsApp et lives, les fidèles trouvent l’occasion de former de véritables communautés d’apprenants, qui s’enrichissent en permanence. Il est vrai que les causeries publiques22 qu’organisent, chez eux, les mouqadams, jouent toujours un rôle important dans leur interaction avec les disciples et donc dans le raffermissement du lien communautaire. Toutefois, ces causeries cohabitent avec les opportunités de formations telles que celles dont nous venons de parler. Cette cohabitation est d’autant plus nécessaire que les contraintes de la vie à Dakar23 rendent de plus en plus difficile une fréquentation assidue des lieux de résidence des mouqadams. Cependant, l’entrée en scène de nouveaux espaces de formation qui rendent les fidèles plus libres en matière d’acquisition de connaissance, ne diminue pas la proximité (ou le sentiment de proximité) entre disciples et mouqadams. Des interviewés nous ont indiqué que leurs guides spirituels s’intéressent parfaitement à leurs conditions de vie sociale, professionnelle et familiale. Parlant de ces mouqadams de Dakar, Ousmane Ndiaye, créateur de la page Tiktok le « Barhamiste officiel », énonce :

« Les mouqadams jouent ici à Dakar un rôle qui est dévolu aux pères de famille. Ils ont remplacé tant de pères biologiques, car, ils s’occupent de leurs disciples comme de vrais pères doivent s’occuper de leurs enfants. Ils font tout. Ils nourrissent, ils habillent, ils aident au plan financier, au plan moral et au plan éducatif. Ils ne sont pas là, à attendre que les disciples viennent les enrichir (…)24 »

15L’essor des mouqadams de Dakar doit beaucoup à leur capacité d’adaptation à un contexte dakarois où il est attendu d’eux, qu’ils jouent à la fois le rôle de guide spirituel, de conseiller, celui de coach, de parrain et de mécène. C’est comme si leur popularité avait un prix : celui de l’investissement et du sacrifice qui consistent à donner leur temps, leurs ressources financières, leur présence morale à des disciples que la complexité de la vie urbaine poussent à se tourner vers la communauté religieuse, pour trouver des réponses pas seulement spirituelles, mais sociales et morales également. C’est dans cette même optique que les mouqadams sont impliqués dans la promotion des compétences et des talents qu’ils repèrent chez les disciples. Il en est ainsi de leur rôle dans la promotion de la controverse et dans celle des performances artistiques.

16Le domaine de la controverse25 gagne de plus en plus d’ampleur parmi les partisans de Baye Niasse à Dakar. C’est le cas aussi bien entre les dahiras de Dakar elles-mêmes qu’entre les partisans de Baye Niasse en général et ceux d’autres communautés religieuses. Ces controverses peuvent porter sur des sujets aussi divers que le Coran, la Chari’a, la Tarîqa (confrérie), la « Connaissance divine », « l’Intendance de Dieu sur terre » (Khalifat), la musique et la danse ; ces controverses peuvent aussi refléter les différences d’interprétations et les prétentions propres aux mouqadams. Les plateformes d’internet sont devenues, pour ces controverses, une caisse de résonance qui leur permet de toucher un public assez large.

17Les mouqadams encouragent également, et parfois même apportent un soutien effectif aux initiatives liées au domaine de l’esthétique et à celui d’un art comme la musique. À Dakar, nombreux sont les disciples qui se lancent dans le domaine de la production artisanale ou dans la commercialisation d’articles de mode par exemple. Beaucoup de jeunes partisans de la Fayda ont initié leurs propres boutiques de vente de vêtements, de bonnets, de voiles et d’autres accessoires. Ces articles souvent « customisés » sont destinés à une clientèle urbaine qui veut concilier identité religieuse et apparence glamour. En effet, le marché des biens de consommation (vêtements, tissus, chaussures, bonnets, pendentifs, et accessoires en tous genres, etc.) profite fabuleusement de la vague de renouveau religieux qui envahit Dakar et d’autres grandes villes sénégalaises.

18Depuis un certain temps, une nouvelle catégorie de chanteurs a émergé, profitant de leur proximité avec les guides spirituels, et surtout opportunités qu’offrent les studios d’enregistrement de Dakar ainsi que de la proximité avec les grandes structures du « show business » sénégalais. Plusieurs tubes ou albums en hommage à la Fayda ont été produits. Des chanteurs tels qu’Aïda Faye, Zakira Diop26, Omar Niane, Madiara, Bachir Cissé, Clayton Hamilton, Cheikh Baye Bitèye, procurent une satisfaction à certains publics de la Fayda et au-delà. Ces différentes figures de la musique religieuse (ou d’influence religieuse), n’évoluent pas dans le même style ; elles ne se revendiquent pas des mêmes influences non plus. Alors que Omar Niane, Madiara et Bachir Cissé, sont dans la mouvance du chant de diwâns, un genre assez proche de la psalmodie coranique, les musiciens Ara et Dayza du groupe Ahlou Brick, Clayton Hamilton, Simon Kouka, sont dans la mouvance rap27-soul-R&B. Nouvelle figure de la musique arabe sénégalisée, Cheikh Baye Bitèye se réclame d’un style qu’il nomme le style « afro-arabe ». Bien que vivant à Kaolack, cette nouvelle coqueluche du genre « afro-arabe » vient régulièrement assurer des concerts dans les grandes salles de spectacle de Dakar, telles que la salle du CICES, le SORANO ou le Grand-Théâtre. Bitèye dit avoir deux sources d’inspiration : le célèbre chanteur Maher Zain28 et le Cheikh Nazirou Niasse29. D’une manière générale, la musique et la « musicalisation » des contenus participent d’une part, d’une logique de célébration, et d’autre part, d’une démarche de séduction, notamment des publics jeunes intéressés par des « spiritualités résolument mondaines » (Haenni, Holtrop, 2002). Dans une certaine mesure, la musicalisation répond aux attentes de publics urbains qui veulent entretenir leur foi dans une ambiance d’enchantement et de détente qui est aux antipodes de celle des prêches qui angoissent30. C’est ainsi que nombre de fidèles se laissent transporter par ces musiques qu’ils écoutent en boucle, ou qu’ils transforment en sonneries de téléphone31, entre autres. La musicalisation est, pour les partisans de la Fayda, une démarche opportune, dans un contexte où le pluralisme et la concurrence poussent les groupes religieux à rechercher les moyens les plus efficaces pour augmenter leur visibilité.

19Du reste, l’existence à Dakar, d’une demande de biens surnaturels (services occultes, voyance, confection d’amulettes et de bains mystiques, etc.) a poussé nombre d’individus qui se disent Talibés Baye, à s’activer dans ce créneau des prestations magico-thérapeutiques. Là aussi, il est intéressant de voir que la réputation de la Fayda est exploitée par ces entrepreneurs du surnaturel dont la visibilité grandit grâce à internet et aux réseaux sociaux. Le savoir ésotérique de la Fayda est ainsi mobilisé comme caution pour faire valoir une prétention à résoudre des problèmes et à guérir des maux de la vie. Ces entrepreneurs du surnaturel visent une clientèle qui n’est pas nécessairement la communauté des Talibé Baye. Pour ce faire, ils font un usage instrumental de la réputation miraculeuse ésotérique de la Fayda. Dans la pratique, ils utilisent des ressources hybrides et se prévalent d’une maîtrise de la science coranique, de la connaissance des plantes, feuilles, racines et écorces, tout comme de la connaissance des djinns et des esprits. L’enjeu étant, pour eux, de tirer profit de l’opportunité d’une demande, pour proposer une offre permettant d’accumuler des ressources économiques, d’augmenter leur propre prestige. Aujourd’hui, nombreux d’entre eux sont devenus familiers pour les usagers d’internet et ceux qui s’intéressent à la voyance et au surnaturel. On peut citer, entre autres, Thierno Moulay Sow, Baye Cissé « borom keemane », Baye Ada Top, Baye As International, qui tous, prétendent exceller, dans la confection de bagues (diâro), dans la préparation de bains mystiques (sangat), dans la confection de ceintures magiques (ndombo), à la fois.

20La réinvention de la culture religieuse n’aurait pas été possible sans les transformations morphologiques et sociologiques que subit la Fayda au grès de sa rencontre avec la capitale. C’est de telles transformations que nous allons aborder à présent.

Les transformations morphologiques et sociologiques

21De l’expansion de ce mouvement religieux dans la capitale sénégalaise, il résulte des transformations morphologiques et sociologiques. Non seulement les Talibés Baye sont devenus plus importants en nombre et leur distribution sur le territoire de la région de Dakar est devenue une réalité tangible. En effet, les témoignages sur la situation actuelle de la Fayda à Dakar, font ressortir la double idée de massification32 et de dispersion. Massification en termes d’augmentation du nombre des dahiras et celui des fidèles ; dispersion en termes de diffusion sur l’étendue du territoire de la capitale. À Dakar, la morphologie de la Fayda a beaucoup changé. À la faveur de l’accroissement démographique de la région de Dakar et de l’urbanisation (l’érection de nouvelles communes, la création de nouveaux quartiers), la répartition des Talibés de Baye sur toute la région de Dakar s’est accentuée. Si d’un point de vue statistique, il est difficile de donner des ordres de grandeur relatifs à l’évolution de la Fayda à Dakar, la distribution des Talibés de Baye Niasse sur le territoire de la région semble se confirmer, avec l’apparition de dahiras et de mouqadams dans des localités où ce n’était pas le cas avant. L’augmentation en nombre, la diffusion sur l’étendue de la région de Dakar, la densification des réseaux de Talibés Baye, vont de pair avec l’émergence de super-dahiras. Ces super-dahiras sont l’indicateur par excellence de la transformation morphologique de la Fayda à partir de son implantation dans la capitale. Une super-dahiras est une entité dont l’effectif tourne autour de plusieurs centaines ou même de plusieurs milliers de fidèles, et dont le rayon d’influence dépasse le simple cadre du quartier, de la corporation, de la génération, entre autres. C’est donc une entité ouverte, aussi bien du point de vue de la taille que de la diversité des ressources humaines qui la compose33. D’une manière générale, les dahira, indépendamment de leur dimension, ont à leur tête un mouqadam titulaire d’une autorisation à dispenser le wird de la Tijaniyya, à initier les fidèles à la Tarbiya et enseigner la religion. Un mouqadam peut désigner plusieurs autres mouqadams. Les super-dahira se distinguent des simples dahiras par le nombre important d’individus qui les composent et incidemment la quantité importante de ressources dont elles disposent, ainsi que la capacité d’organisation et de mobilisation qu’elles détiennent. Ces super-dahiras ont éclipsé les dahiras de quartier ou de corporation d’avant, à l’image de la dahira des agents de la SOTRAC (Société de Transport en Commun), de celle des travailleurs de la SENELEC (Société Nationale de l’Électricité du Sénégal) ou encore de celle des femmes de la SONATEL (Société Nationale des Télécommunications). Certaines super-dahiras ont, aujourd’hui, des ramifications dans le milieu étudiant où elles retrouvent la Dahira des Étudiants Talibé Baye Niasse (DETBN). Trois de ces super-dahiras peuvent être cités en exemple : la Jamâ’a Fityânou Sidqin de Babacar Ndiaye dit Sangue Barhâmou, la Jamâ’a Mouhtaçimina Bi hablil lâhi de Cheikh Mamour Insa Diop et la dahira Liwâwoul Hamdi34 d’Aziz Ndiaye.

22Dans un contexte urbain où prévaut un pluralisme confessionnel, l’enjeu pour les groupes religieux peut être d’étoffer des collectifs de grande envergure, et qui soient en phase avec les exigences des clientèles, notamment en matière d’émancipation sociale et morale. En effet, la course pour la création et le contrôle d’une super-dahira est commune à tous les entrepreneurs religieux qui s’installent dans la capitale. Si créer une entité de grande échelle est une chose, la massifier davantage, la gouverner efficacement est une autre. Cette gouvernance requiert des aptitudes intellectuelles, un talent d’orateur, une aptitude communicationnelle et un grand leadership. Pour les mouqadams de Dakar, contrôler ces structures, c’est aussi une affaire d’audace. Ce qui, dans certains cas, passe par la revendication d’éminentes fonctions spirituelles ou cosmiques de l’islam soufi, telles que celles de Qoutbou al zamân (le pôle du temps), de Ghawth al zamân (le secours du temps) ou même celle Kâmiloul ‘asri (le Parfait du Moment). Ainsi, mouqadam et responsable moral de la super-dahira Jama’atou Mouhtaçimina Bi hablil lâhi, Cheikh Mamoune Insa Diop est perçu par ses partisans comme étant Seydina Issa Rouhoul lâhi35. Quant à Babacar Ndiaye dit Sangue Barhamou, il s’est autoproclamé Qoutbou al Zamân et plus récemment « khalife de Dieu sur terre », une fonction que d’autres attribuent à son ancien maître Cheikh Ould Khayri de la cité religieuse de Boubacar en Mauritanie. Ces mouqadams ont en commun, de ne se prévaloir d’aucun lien de parenté biologique avec Baye Niasse. La ressource généalogique n’est pas leur principal instrument de légitimation. Leur ascension repose surtout sur la mise en œuvre de compétences prisées dans la métropole. En plus d’apporter quelques innovations dans les activités traditionnelles d’enseignement de la religion, du soufisme, des œuvres de la Tijaniyya, ils sont disposés à apporter une assistance sociale et morale aux fidèles, à promouvoir certains talents qu’ils repèrent parmi leurs disciples, à mobiliser des fonds grâce aux appels à contribution. À Dakar, la dimension phénoménale de la Fayda est surtout liée à leur ascension et à leur facilité à se tourner vers des univers sociaux, professionnels différents de ceux anciennement investis par la Fayda. Grâce à leurs dahiras, des catégories telles que celle des professionnels des médias36, celle des professionnels de NTIC, celle des employés du secteur formel dont on sait l’importance au Sénégal, dans une moindre mesure celle des cadres et agents administratifs, sans parler des artistes37 et des sportifs38. L’enrôlement de figures populaires bien connues, de vedettes de la télévision, de célébrités dans le domaine de la culture ou de la mode, est l’une des démarches par lesquelles ces collectifs parviennent à se mettre au-devant de la scène. Certes le procédé qui consiste à coopter des célébrités et de personnalités connues n’a rien de nouveau dans la Fayda, mais le degré où le portent ces super-dahiras est d’une parfaite singularité.

23Aussi, bien structurées, avec la création de commissions et l’élaboration de textes administratifs, ces super-dahiras s’impliquent de plus en plus dans l’organisation, à Dakar, de manifestations religieuses telles que la ziyâra annuelles dédiées au mouqadam, la célébration de la Nuit du Destin (Laylatoul khadri), la célébration de la nuit du ‘Achoura39, entre autres. L’institutionnalisation des récompenses destinées aux disciples méritants est une autre innovation qu’apportent ces super-dahiras. Récemment, le guide de Fityânou Sidqin, Sangue Barhamou Ndiaye, a décerné des diplômes de reconnaissance à quelques-uns des membres de son organisation. Les images ont fait le tour des réseaux sociaux. La procession spéciale est une autre innovation qu’on a observé chez ces dahiras. L’une des processions les plus en vue est aujourd’hui celle du Cheikh Mamour Insa Diop, guide de la Jama’a Mouhtaçimina bi hablil-l- lâhi. Chaque année, lors du grand Maouloud Médina Baye, accompagné d’une foule de disciples, sous la présence d’un dispositif médiatique et d’un service de protocole fort impressionnant, il fait une sortie spectaculaire, pour se rendre au mausolée de Baye Niasse, en vue de faire un recueillement. Des procédés de ce type ont joué et jouent encore un rôle décisif dans le recrutement de nouveaux fidèles et partant dans la transformation morphologique et sociologique de la Fayda à Dakar.

Conclusion

24À l’image des grandes métropoles, Dakar exige des formes de religiosité qui privilégient la proximité et l’intensité, mais qui privilégient également une dimension sociale et morale, compte tenu des contraintes et des défis de cette métropole ouest-africaine. Les groupes religieux qui tirent leur épingle du jeu, sont ceux qui mettent le plus d’accent sur la mise en place de dispositifs religieux qui allient spiritualité, sociabilité, souplesse et ouverture.

25Dakar inspire aux adeptes de la Fayda, des remaniements, au plan des imaginations, à celui des styles religieux ainsi qu’à celui des modes d’encadrement des fidèles. La capitale sénégalaise favorise, chez les adeptes de la Fayda, une nouvelle « économie de la grandeur 40», à côté de hiérarchie plus traditionnelle incarnée par les Gens de la famille de Baye Niasse et les dignitaires de Médina Baye. Toutefois, la capitale sénégalaise n’offre pas que des opportunités et des solutions aux acteurs de la Fayda. Elle est aussi une source à problèmes, au regard des dérives et des dérapages liés à la concurrence et à la surenchère entre mouqadams. L’effet émancipateur de la capitale, les innovations qui en découlent ont un revers qui est celui des conduites dissonantes et des rapports conflictuels qui émergent de plus en plus et qui interpellent directement les autorités traditionnelles de cette communauté religieuse. Justement, l’observation des conduites des acteurs de la Fayda à Dakar (mouqadams et disciples ordinaires), nous permet de saisir sur le vif, l’élaboration « d’arts de faire41 » (De Certeau, 1990) en marge des dispositifs institutionnels traditionnels de cette communauté religieuse. Certaines déclarations, proclamations et innovations, rentrent dans ces arts de faire que certains acteurs de Dakar manient avec subtilité. À titre d’illustration, entre 2021 et 2024, des mouqadams de Dakar ont fait des sorties pour avancer des propos qui ont exaspéré plus d’un dignitaire de Médina Baye42. Certaines sorties ont donné lieu à une demande d’excuse, au vu de la gravité de leur implication. L’alternance que font les mouqadams de Dakar, entre l’art de l’autoproclamation qui exaspère et celui de « l’amende honorable43 qui de répare, participe d’arts de faire qui font cohabiter des logiques de contournements-détournements44 et des logiques d’alignement-réalignement. Finalement, même s’ils sont portés par des figures dont le charisme et la popularité sont significativement imposants, les revendications et prétentions dakaroises ne signifient pas une remise en cause frontale de l’autorité de Médina Baye. Malgré le caractère paradoxal de ces arts de faire, on peut, à la lumière de l’approche d’Yves Barel (2013), les considérant comme partie intégrante d’une réalité complexe d’un système qui a parfois besoin de ses formes paradoxales pour assurer son emprise sur les hommes et sur les situations.

26Enfin, le compromis n’est pas seulement du ressort des mouqadams de Dakar. Les dignitaires de Médina aussi, essaient de composer avec les conduites dissonantes comme avec les déclarations et prétentions qui émanent de la capitale car, s’ils sont bien conscients de ce qu’une confrontation totale et durable avec les personnalités dakaroises risquerait de compromettre, ils ne savent pas, pour autant, ce qu’une telle confrontation pourrait rapporter.

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Notes

1 Village situé à quelques kilomètres de la ville de Kaolack (au centre du Sénégal).

2 Cheikh Ibrahim Niasse est né en 1900 à Taïba Niassène au Sénégal ; Il a rendu l’âme à l’hôpital Saint Thomas à Londres en 1975. En 1929, Niasse s’autoproclama « sâhiboul fayda », (« imam » ou « détenteur de la Fayda ». L’argumentaire de cette autoproclamation est exposé dans le livre Kâshifoul albâs ‘an Faydat al khatm Abil ‘Abbâs (La levée des équivoques concernant la Fayda du sceau Abil ‘Abbâs), un livre écrit en 1931. La Fayda Ibrahimiyya a récemment fait l’objet de plusieurs recherches, notamment sur ses dimensions doctrinales, son modèle de l’autorité religieuse, son l’éducation spirituelle, et son processus de globalisation. Voir (Kane, 1992b,1997), (Niang, 2021)

3 Abdoulaye Niasse (1840-1922). À propos de cette figure de la Tijaniyya sénégalaise, on pourra lire (Klein, 1968), (Kane, 1992a), (Mbodj, 1986), entre autres.

4  Par souci de simplification, nous employons le terme « Fayda » dans tout le reste de l’article.

5 On retrouve cette notion dans les écrits du philosophe soufi Ibn ‘Arabi (1165-1240). Le lecteur peut se référer à pour un meilleur aperçu sur de la pensée d’Ibn ‘Arabi et sa place dans les confréries soufies.

6 « Une Fayda viendra parmi mes fidèles au point que les gens viendront entrer massivement dans notre voie » aurait dit Cheikh Ahmed al Tijdjanî. Cette prédiction a été relayée par un de ses compagnons, en l’occurrence Mouhammad al Tayyib al-Suyânî, dans son livre al ifâdat al Ahmadiyya.

7 Dans tous le texte, nous avons simplifié l’écriture de ce terme car, en réalité on prononce muqaddam (avec un redoublement consonantique). Celui-ci est une personne habilitée à dispenser le wird, l’enseignement de la Tarîqa et d’initier à la Tarbiya (éducation et formation à la Gnose).

8 Regroupement de fidèles appartenant à une même communauté religieuse et évoluant sous la tutelle d’un même maître spirituel, autrement dit d’un même mouqadam.

9 Nous avons obtenu l’essentiel des contacts des muqadams grâce aux responsables la Jam’iatou Ansaroudine. La Jam’iatou Ansaroudine est la structure fédérative des dahiras de la Fayda. Elle a été mise sur pied par Baye Niasse lui-même. Le guide religieux a non seulement défini la mission, les orientations de la structure, mais il en a également proposé la devise qu’est « Nahnou Ansâru-l-laahi ». La maison « Keur Baye Niasse » située à Dieuppeul (Dakar), est le siège national de la structure. En plus du bureau national, chaque département forme son propre bureau.

10 Nous avons jugé que seul un travail de collecte de témoignages pouvait nous permettre de la reconstituer cette expansion dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi que lors de notre enquête, nous avons interrogé les individus afin de pouvoir retracer le processus d’installation ou de réinstallation de la Fayda dans la capitale sénégalaise.

11 Société Immobilière du Cap-Vert.

12 (Entretien avec Cheikh Sidy Arabi Niasse, Dakar, juillet 2023).

13 Fils-aîné de Baye Niasse, qui devint le premier khalife en 1975.

14 (Entretien avec l’imam Cheikh Baye Lô, Dakar, avril 2022).

15 La Jam’iatou Ansaroudine a été fondée, dans les années 1930, par Baye Niasse. En 1964, le guide religieux renouveau l’idée et proposé un modèle de structuration et une devise qui est « Nahnou Ansâroul Lâhi » (« Nous sommes les Partisans d’Allah »).

16 C’est Ibou Niang, père de Modou Niang qui nous a proposé le nom de « Nahnou Ansâroul Lâh » (Nous sommes les Partisans d’Allah », est en réalité est le slogan que Baye Niasse a donné à Ansaroudine lors de sa fondation.

17 Fils de Mahmoud Niasse frère de baye Niasse, Ibrahim Mahmoud a fait ses études à Dakar et y a travaillé durant les années 1990-2000.

18 En wolof « Kokou mo todj Dakar »

19 Le recensement fait entre 2021 et 2022 par la Fédération et que le Président Barham Seck et le chargé de recensement Abdou Barham, ont mis à ma disposition, indique quatre-vingts seize (96) dahiras actives et Huit (8) dahiras inactives pour Dakar ; Vingt-six (26) pour le département de Pikine ; Vingt-quatre (24) dahiras pour le département de Rufisque ; Vingt-trois (23) pour le département de Guédiawaye. Quelques remarques s’imposent cependant. D’une part, les recensements sont toujours en cours ; d’autres part, les responsables d’Ansaroudine nous ont mis en garde en indiquant que nombreuses sont les dahiras qui ne se font pas enregistrer dans le registre de la Fédération. Ces mêmes responsables regrettent également que les fidèles, dans leur grande majorité, n’aillent pas acheter pas la carte de membre d’Ansaroudine, alors la possession de cette carte d’Ansaroudine avait été recommandée par Baye Niasse lui-même.

20 Pour bénéficier de cette formation, il suffit d’adhérer aux collectifs que chapeautent ces mouqadams ; une adhésion dont les conditions sont : 1) être musulman, 2) entrer dans la Tidjaniyya en en prenant le wird (la litanie), 3) devenir adepte de Baye Niasse. Une fois ces conditions réunies, l’individu peut se rattacher au mouqadam qu’il fréquente à sa convenance pour bénéficier de son enseignement, de ses conseils, éventuellement de son aide sociale et matérielle. La plupart des mouqadams auxquels nous faisons ici allusion sont la fois des dispensateurs de wird (chaykhou-l-Tarqiyya et de Tarbiya (chaykhou-l-Tarbiya).

21 Poèmes d’éloge dédiés au Prophète Mouhamed.

22 Les causeries plus importantes sont celles effectuées le vendredi soir après la séance de du Hadratou jouma’ qui est l’une des trois composantes du wird de la Tijanniya à côté du Lâzim (récité deux fois par jour), le Wazifa (récité une fois par jour). Ce rendez-vous hebdomadaire du vendredi est l’occasion de communion entre le mouqadam et ses disciples.

23 Les contraintes de travail, celles liées aux études, les difficultés liées aux déplacements, posent tellement problème, que les individus adoptent la moindre stratégie qui leur permettrait de se faciliter la vie quotidienne. D’ailleurs, comme pour faciliter les choses à ceux qui habitent loin ou qui ont des contraintes de travail, une dahira comme Fityânou Sidqin met en ligne ses cérémonies du vendredi ; ce qui permet aux fidèles qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’à Cambérène, lieu de résidence de Sangue Barhamou Ndiaye, de suivre en direct la cérémonie, de visionner la causerie et de participer, à distance, aux prières.

24 Entretien avec Ousmane Ndiaye, Dakar, septembre 2024).

25 Notre ambition ici n’est pas de faire une analyse systématique de ces controverses qui, d’ailleurs mériterait une étude scientifique à part entière.

26 Ces deux icônes féminines ont toutes les deux dédiées des chansons à leur guide religieux, Cheikh Mamour Insa Diop.

27 Pour un meilleur aperçu sur les affinités entre le rap sénégalais et l’islam, on lira (Niang, 2010) et (Hill, 2017)

28 Auteur, compositeur et producteur suédois d’origine libanaise, Maher Zain a composé de nombreux tubes qui ont eu un succès retentissant dans beaucoup de pays arabes ou musulmans. Sa musique est un mélange entre le R&B et la world music à résonance musulmane par ses thèmes et contenus.

29 Cheikh Nazirou Niasse, rappelé à Dieu en 1998 à l’âge de 61 ans, Cheikh Nazirou Niasse a été le premier directeur de l’Institut franco-arabe de Médina Baye, Mahad El Hadi Abdoulaye Niasse. Ce fils de Baye Niasse est considéré comme un des pionniers de la psalmodie coranique et de la récitation chantée des poèmes de Baye Niasse. Il a influencé de nombreux chanteurs et « récitateurs » de Coran à Kaolack. Il est également l’initiateur du foyer culturel et de la troupe théâtrale dont Cheikh Baye Bitèye et tant d’autres chanteurs sont issus.

30 À Dakar, il existe une tendance de prédicateurs connus pour la gravité de leur style et dont l’exégèse et l’interprétation qui des versets du Coran, suscitent peur et angoisse, tant ils insistent sur les thèmes de la damnation et de la punition réservées aux hommes qui commettent le pêché ou qui enfreignent la loi d’Allah.

31 Les sociétés de téléphonie telles qu’Orange Sénégal, Expresso, Tigo, proposent aux usagers, ces musiques qu’elles appellent « dalal » (musique de bienvenue), moyennant une somme d’argent. Autant dire qu’il y a aujourd’hui tout un marché autour de ces musiques d’inspiration religieuse.

32 L’obtention de statistiques relatives à la religion au Sénégal est un sérieux problème pour les chercheurs. L’ANSD, principale agence nationale qui effectue les recensements d’État, de manière régulière, a depuis 1988, cessé de communiquer les statistiques relatives aux appartenances religieuses. Certes, l’Agence étatique précise que les données liées à l’appartenance religieuse peuvent être mises à la disposition des chercheurs moyennant une demande justifiant l’usage auquel les données seront destinées ; mais le temps et l’incertitude d’obtenir une réponse, sont de nature à dissuader le chercheur à effectuer une telle demande. L’ANSD avance l’argument que c’est la législation sénégalaise notamment la Loi n°2008-12 du 25 janvier 2008 qui fixe un cadre contraignant sur la publication des données portant sur les convictions religieuses. Cette loi considère les données sur la religion comme étant « sensibles » dont il faut imposer des contraintes sur leur collecte et leur traitement, notamment une autorisation de la CDP (Commission de Protection des Données Personnelles). Ajoutons simplement que dans les Enquêtes démographiques et de Santé continue, l’ANSD publie des données sur la variable « religion » mais elles sont circonscrites à la tranche d’âge des 15-49 ans.

33 Il est difficile de donner chiffres exacts sur le nombre d’adhérents de ces super-dahiras. Par exemple, Abdou Karim Sow qui est chargé des recensements de Fityânou Sidqin nous a indiqué que les recensements sont en cours et qu’il lui serait difficile de nous communiquer un chiffre approximatif. Même chose pour Moussa Cissé, Président de la Jamâ’a Mouhtaçimina Bi hablil lâhi, qui nous a assuré que leur Jama’a est en train de faire un recensement.

34 Avant l’avènement de ces trois collectifs, le Collectif « Madinatoul Houda » fondé dans le quartier « Fithie Mithie » à Guédiawaye par Cheikh Ibrahim Sall (rappelé à Dieu en 2006) s’était distingué comme une véritable super-dahira.

35 Cette qualification lourde de signification tire son origine de la doctrine eschatologique de l’islam qui postule qu’à la Fin des Temps, Seydina Issa (Jésus pour les chrétiens) fera son retour sur terre. Cette venue est attendue par les Musulmans marquera la fin de règne du Faux-messie (Massihoul Dajjâl) et l’instauration de l’Ordre de Dieu sur terre. Pour un meilleur aperçu sur ces aspects de l’eschatologie musulmane, on lira (Denkha, 2013)

36 Le célèbre journaliste Cheikh Yérim Seck son ex-femme Astou Dione, la chroniqueuse-vedette de la SENTV Asma, le chroniqueur Pape Ousmane Cissé, sont des adeptes de la Fayda.

37 Les célèbres rappeurs Fada Freddy et Ndongo D du Groupe « Daara Ji Family », de même que Daddy Bibson et Simon Kouka, Ahlou Brick, sont des artistes connus pour leur appartenance à la Fayda.

38 Le champion de lutte Mouhamed Ndao Tyson a été le premier

39 Célébration musulmane de la traversée de la Mer rouge par le Prophète Moïse. Cette célébration correspond au 10e jour du mois de Mouharram.

40 Luc Boltanski et Laurent Thévenot (1991) emploient ce concept pour qualifier un « art de fonder une grandeur sur une justification à partir de principes et de valeurs liées au domaine (cité) où s’exerce l’activité.

41 Chez Michel de Certeau (1990), les arts de faire renvoient aux ruses subtiles et aux tactiques de résistance par lesquelles les individus détournent les objets et les codes, se réapproprient l’espace à travers usage. Nous reprenons cette notion pour décrire les procédés à travers lesquels les acteurs dakarois de la Fayda essaient parfois de se soustraire au pouvoir institutionnel et disciplinaire qui émanent du centre religieux Médina Baye.

42 Rappelons juste qu’en raison de leur lien biologique avec baye Niasse, les membres de la famille Baye Niasse (ses enfants notamment) sont considérés comme les héritiers légitimes de la Baraka du guide religieux. Compte tenu de cette proximité et surtout des garanties émanant de Baye lui-même et en leur faveur, ces héritiers biologiques sont supposés êtres les dépositaires d’une sainteté spéciale et se considèrent suffisamment légitimes pour dénoncer certaines pratiques dont la Fayda à Dakar est devenue le théâtre. Les critiques visent aussi bien certaines revendications que les pratiques telles que la danse, la musique, les prestations magico-thérapeutiques que d’aucuns jugent aux antipodes de l’orthodoxie de la Fayda.

43 Ces trois dernières années, quelques personnalités de Dakar ont répondu à la convocation du Khalife de Médina Baye, afin d’apporter des explications sur certains propos qu’ils ont pu proférer. À chaque, le même scénario s’est produit. Le Khalife rappelle les principes et la discipline de la communauté (l’adab), puis la personne incriminée présente ses excuses qui sont acceptées avant de renouveler sa soumission à l’autorité du Khalife. La scène termine généralement par des prières du Khalife qui font office de bénédiction

44 Contournements-détournements des hiérarchies et normes établies.

Pour citer ce document

Cheikh El Hadji Abdoulaye NIANG, «La Fayda Tidjaniyya Ibrahimiyya : un mouvement religieux au coeur de la capitale sénégalaise», Mu Kara Sani [En ligne], Dossiers, 40 ‖ DECEMBRE 2024, mis � jour le : 28/01/2025, URL : https://mukarasani.com:443/mukarasani/index.php?id=351.

Quelques mots à propos de :  Cheikh El Hadji Abdoulaye NIANG

Chercheur

Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop, Dakar

Cheikhabdoulaye1.niang@ucad.edu.sn